Poèmes et écrits

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VIRTUELLE RENCONTRE

Une ville, un quartier. Dans les rues, une femme d'une trentaine d'années se promène en fredonnant un air nostalgique : » tous les garçons et les filles de mon âge se promènent dans la rue deux par deux »

Le long du fleuve, qu'elle regarde avec émotion, peu de badauds et pour cause, il est minuit.

Sabine ne pense pas à l'heure, elle laisse son esprit divaguer, elle rêve d'une autre vie.

Ce n'est pas le luxe qui l'attire. Ce ne sont donc pas ces maisons cossues qui bordent les rives du fleuve, ni les voitures flambant neuves garées sur les bas-côtés.

La vie de luxe qui consisterait, selon elle, à changer de voiture tous les six mois et à aller chez le coiffeur trois fois par mois ne l'attire guère.

Elle n'a pas envie de s'acheter un ordinateur portable. Elle utilise, contrainte et forcée un téléphone sans fil pour les besoins exclusifs de son travail.

Son boulot lui plait. Responsable d'un hypermarché, elle manage une équipe de dix permanents avec tact et gaité.

Sa bonne humeur contamine les gens qui l'entourent. Très prise par cette activité, elle n'a que peu de temps à consacrer à ses loisirs et aux rencontres. Et c'est peut-être pour cela qu'aujourd'hui, elle vit seule.

Sabine pense aux couples, elle voudrait des enfants, un mari, du désordre dans son appartement. Des cris, des chants, du bruit. Sabine aimerait se lever tôt, préparer le petit déjeuner pour des bambins tandis que son homme dormirait encore.

Elle connaît le train-train de la vie de famille, car ses collaboratrices et ses amies lui en parlent souvent. Elle les jalouse d'ailleurs.

 Soudain, une publicité attire son regard. La pleine lune éclaire le panneau, on peut y lire en lettres jaunes : rencontrez l'âme-soeur, connectez-vous sur le site : www.en couple. Com.

 Il est une heure du matin. Sabine rentre chez elle et se couche. Son inconscient lui procure un peu de ce qui lui manque tant au quotidien.

Le lendemain matin, un samedi, Sabine se lève et sans s'habiller, ni se brosser les dents, elle se précipite sur son ordinateur, se connecte à Internet, trouve le site dont la publicité lui a plu, et y laisse un message court mais éloquent :

« Femme d'une trentaine d'années recherche homme, même âge, pour fonder une famille. »

Deux heures plus tard, elle a pris un jour de congés exceptionnellement un samedi, elle retourne sur son bureau et questionne le site.

Trois réponses lui sont déjà parvenues. Sans trop savoir où cela la mènera, elle élimine les deux premières réponses, qu'elle juge évasives et répond à la troisième, plus poétique.

« Je souhaiterais vous croiser au café le Prologue. Il fait face au cinéma du quartier où nous irons si tel est notre souhait. Rendez-vous à 16h00 aujourd'hui. »

Sabine essaya de ne pas arriver trop en avance au rendez-vous, et de contenir son empressement. Pour cela, elle fit un détour de deux kilomètres, repassa par les quais, relu l'affiche avec espoir, puis, à 16h00, elle entra au Procope, ou un vieux juke-box jouait un air de Miles Davis.

Elle ne manqua pas de dévisager une par une les personnes attablées. Deux couples lui tournaient le dos et elle entendait des éclats de rire. Trois hommes seuls buvaient un café ou une bière mais ne la cherchait pas du regard. Heureusement car chez chacun d'entre eux, un détail la dérangeait : le premier portait barbe et moustache abondantes, le second semblait dormir et le troisième était vraiment trop âgé. Non, l'élu de son coeur ne pouvait pas être l'un d'entre eux.

Sabine du se résoudre à attendre. Dix longues minutes, et la porte battante s'ouvrit -Sabine avait choisi une table face à la porte, un peu excentrée- et entra un homme d'une trentaine d'années, brun, souriant, portant lunettes et casquette, ce qui lui donnait une apparence de journaliste. Il n'hésita pas un seul instant et se dirigea vers la table occupée par Sabine.

-         Vous êtes Sabine ?

-         Vous êtes Joël ?

Ils restèrent un instant silencieux, appréciant mutuellement un peu ce moment, le seul qui prolongeait le doute car les paroles allaient peut-être casser leurs illusions naissantes.

Joël ne semblait pas gêné d'être arrivé un peu en retard, d'ailleurs il ne s'excusa pas.

Ils parlèrent une heure de leur métier respectif, c'était une conversation facile.

Puis Joël, décida de faire un pas de plus : il lui proposa d'aller avec lui au cinéma, tout proche.

Sabine accepta. Ce nouveau compagnon l'emballait. Il était gentil, dynamique, avait un métier, lui semblait-il tranquille, de l'humour, bref, tout ce qu'une femme célibataire pouvait souhaiter.

Ils allèrent au cinéma, voir un film français, avec Sandrine Bonnaire et Daniel Auteuil puis au restaurant, où ils dégustèrent des langoustes et burent du champagne pour fêter leur rencontre.

A minuit, Sabine, ne sachant quelle issue donner à leur soirée, décida brusquement de rentrer chez elle, ne voulant pas donner l'impression à Joël qu'elle était une femme facile.

Joël, la raccompagna jusqu'à l'arrêt de bus, lui fit un large sourire et la regarda partir avec dans les yeux un début de tendresse.

Sabine ne fît pas attendre Joël bien longtemps. Dès le lendemain soir, elle l'invita à diner chez elle pour le samedi suivant. Joël lui répondit oui, sans hésitation.

Ce samedi soir là, Sabine avait préparé un excellent repas, sans chandelle, mais avec amour, et son appartement sentait bon la cuisine provençale et le chocolat fondu.

Joël arriva comme prévu vers 21h00.

Il se montra gentil, galant, romantique, il avait apporté un bouquet de roses jaunes et blanches,

plein d'humour, bref il enchanta la soirée de Sabine.

Elle ne résista pas et l'invita à passer la nuit chez elle. Heureusement elle avait un lit double et ils passèrent tous deux une nuit animée puis reposante, relaxante, suivie d'une grasse matinée ;

café, tartines au miel ; les draps collaient mais qu'importe! Sabine était aux anges, Joël semblait heureux. Ils filaient le parfait amour.

 

Des années plus tard en se remémorant leur premier rendez-vous, Sabine et Joël eurentt une larme à l'oeil. Leur couple, désormais stable et uni, regardait pousser deux enfants, deux filles nées ensemble, débordantes d'énergie, aux antipodes du caractère virtuel de leur rencontre.



17/07/2015
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