Poèmes et écrits

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FAIRE DES RICOCHETS

 

 

Ils étaient allés à la mer, sa cousine et lui, mais n’avaient pas le droit de s’y baigner : « Interdiction formelle de mettre ne serait-ce qu’un doigt de pied dans l’eau ! » avait dit l’oncle de Paul. En effet le jour commençait à décliner.

De dépit, Paul cherchait à faire des ricochets avec les nombreux galets qui jonchaient la plage. Sa cousine les ramassait et les lui tendait au fur et à mesure en se disant : « Il n’y arrivera pas, les vagues l’en empêchent. » Elle eut l’idée de lui proposer un caillou plus gros. Il le lança de toutes ses forces mais le troisième caillou revint en ricochant bizarrement. Intrigué par ce rebond, les deux enfants, en vacances ensemble parce les parents de Paul n’avaient pu se libérer de leurs obligations respectives, s’interrogèrent du regard, intrigués par ce ricochet inattendu. Comment aller voir sur quoi avait bien pu rebondir le caillou, et ce, sans se mouiller ?

Les alentours étaient calmes, les derniers baigneurs étaient rentrés souper avant la fin du jour, épuisés par une journée de lumière, chaude et intense. Le soleil semblait jouer lui aussi à faire des ricochets avec ses rayons sur l’eau. Les deux enfants décidèrent de se mettre tout nu. Ils attendraient ensuite d’être secs pour remettre leurs vêtements et le tour serait joué. C’était un dimanche, et les enfants portaient encore leurs tenues du jour. Délicatement, ils les posèrent sur un rocher proche, tandis que le soleil disparaissait lentement sur l’horizon. A l’opposé, sur le front de mer, la maison de vacances semblait posée en vigie. Puis ils avancèrent doucement dans l’eau, à cet endroit le sable partageait sa place avec des galets et de petites pierres plus désagréables à toucher du pied. Paul eut alors une première hésitation. Et s’il entrainait sa cousine dans une aventure trop risquée pour leur âge ? L’oncle n’avait-il pas eu raison de leur interdire d’entrer dans l’eau ce soir-là ? Mais satisfaire sa curiosité et son esprit d’aventurier sembla à prioritaire à Paul. Il devait comprendre ce qui avait fait ricocher le galet, il devait rompre enfin avec la monotonie de ces vacances. Avec ses parents, c’est certain, il aurait fait du voilier, et peut-être même de la plongée. Avec son oncle et sa tante, les journées se résumaient à deux heures de plage le matin, suivies d’une longue sieste pendant laquelle les enfants devaient se faire aussi discrets qu’une bibliothécaire, tout en lisant si possible, autant que les personnes exerçant ce métier.

Ils avaient de l’eau jusqu’au genou quand, soudainement, le son strident d’un paquebot les fit s’arrêter net. Au loin on pouvait voir une épaisse fumée obscurcir l’horizon et cette noirceur leur donna l’impression que la nuit était tombée. Paul se demanda alors plus sérieusement s’ils ne devaient pas renoncer. Après tout, le galet avait sans doute ricoché sur un rocher, invisible depuis la plage. Mais cette explication, non étayée par des faits, ne le satisfaisait pas suffisamment. Ils avaient déjà fait la moitié du chemin, à quoi bon revenir en arrière alors que les informations, la réduction de leur incertitude s’offrait presque à eux. Ils firent donc encore quelques pas dans l’eau, s’enfonçant jusqu’à la taille. Il commençait à faire frais, et les deux enfants n’en menaient pas large. Paul marchait devant et il se cogna le genou contre un obstacle. Le nuage de fumée du paquebot s’étant dissipé, on y voyait désormais un peu plus clair. Paul et sa cousine distinguaient une masse claire, presque fluorescente. En fait ils n’auraient pas dû se trouver là jouant à cette heure tardive au bord de l’eau. Paul le savait, son oncle les croyait dans le jardin, grimpant dans l’arbre sur lequel il avait construit une cabane.

Paul s’était disputé avec sa cousine : « Marre de jouer aux petits singes ! » lui avait-il dit. Puis il était parti en courant vers la plage, suivi de sa cousine. C’est alors que son oncle les avait mis en garde de se baigner. Heureusement ; les habitudes de la famille les conduisaient à dîner relativement tard, souvent vers 21h30 seulement. C’est pour cela que Paul ne s’inquiétait pas ; sa tante allait les appeler pour souper, par avant, croyant qu’ils jouaient encore dans le jardin.

Donc, cette masse informe et lumineuse les questionnait autant qu’elle leur faisait peur. La cousine de Paul dit à haute voix : « Je commence à avoir froid. Rentrons et nous reviendrons voir demain ce que c’était. Cela vaut mieux.» Mais Paul voulait montrer son courage et impressionner sa cousine. Tous deux étaient comme deux personnes adultes se tourmentant face à un choix crucial déterminant pour leur avenir. C’est alors que la cousine de Paul insista pour retourner sur la plage : elle avait la certitude qu’avec la lumière du jour, le lendemain, les choses seraient bien plus visibles, mieux valait rentrer. Mais Paul n’était pas d’accord : pour lui il fallait s’approcher encore pour découvrir sur quoi son genou avait cogné. Ce choc avait augmenté son excitation, car son genou lui faisait mal. En avançant, il passa à côté de la forme ; juste devant lui, puis, un peu plus loin, rien. Sa cousine était retournée sur la berge, elle se rhabillait sans l’attendre, désespérant de lui faire entendre raison. Paul se retourna pour l’interpeler, et ce faisant, il se retrouva nez à nez avec le monstre. Avec son tuba, son masque de plongée, et sa combinaison fluorescente, la forme dégageait une impression d’inquiétante étrangeté pour Paul. Mais toute de suite après « le monstre » dévoila son vrai visage. A la stupéfaction de Paul, un visage débarrassé de son masque apparut. C’était son oncle, parti faire de la plongée au crépuscule, entre chiens et loups, disait-il, on voyait mieux les poissons.

Chacun pourra terminer cette nouvelle comme il le voudra. Je pense que Paul et sa cousine méritaient une punition. Mais, en vacances, il arrive que les événements prennent une autre tournure. Le lendemain en effet,  Paul faisait sa première sortie en plongée nocturne avec son oncle et sa cousine, les vacances pouvaient enfin commencer !  A vous aussi chers lecteurs, de choisir un prénom adapté à la cousine de Paul, j’aurais choisi Isabelle, parce qu’elle a les yeux bleus, comme la mer à la tombée du jour.

 

 

 

Cécile le 9 février 2014



27/04/2014
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