Poèmes et écrits

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UNE ELECTION DE CAMPAGNE

Il n'y a relativement pas très longtemps, par rapport à la petite échelle de notre personnage, vivait dans une maison avec piscine, un couple qui n'avait pas d'enfant.

La femme s'appelait Simone et était fière de porter le prénom d'une écrivain française dont elle collectionnait les écrits sans avoir pu pourtant en lire un seul.

Ce qu'elle savait faire c'était en enlever presque chaque jour la poussière, jamais un seul mouton ne viendrait s'installer là, on ne vivait pas dans une bergerie, tout de même !

Son mari goguenard, partait travailler tous les matins du mardi ou dimanche; régulièrement sa femme lui demandait de prendre son dimanche car sa mère à elle venait déjeuner mais il répondait invariablement, non, avec pour lui la justification la meilleure; son patron l'estimait, il comptait sur lui le dimanche pour regarder tourner les machines et appuyer sur le bouton rouge toutes les heures.

Simone ne travaillait pas mais exerçait une activité bénévole ; presque tous les jours elle donnait des cours de cuisine et de tricot aux villageois plus désœuvrés qu'elle, qui l'aimaient comme on aime les fleurs des champs au printemps, gaiement, chaleureusement.

 

Vint le temps des élections municipales, et Patrick, le mari de Simone, comptait bien cette année se faire élire comme élu, au côté du notaire, un homme droit, honnête et respectable, pensait-il.

Le lundi, il assistait donc au repas de campagne, buffet chaud ou froid selon que le temps était chaud et sec ou froid et mouillé.

Un bon vin accompagnait bien sûr les assiettes et déliait les langues.

La petite – déjà quarante-cinq ans mais tout le village l'appelait ainsi car elle avait perdu ses parents dans le seul accident de voiture qui se soit jamais produit sur la place. Tout le village pris de compassion l'avait alors pris sous son aile, et élevée comme la sienne - Justine, prenait des notes et faisait un compte-rendu car elle aussi pensait bien se faire élire et devenir, la secrétaire du Maire, et sa femme si possible, un si bon parti, un si bel homme !

Le notaire avait déjà cinquante ans, et à chaque élection revenait l'espoir de s'asseoir sur ce fauteuil, aller une fois par mois aux conseils des villages, donner son avis et vendre son étude.

Il en avait en effet assez de voir partir ses amis, et de devoir aux profits de leurs enfants, ses ennemis, ceux qui justement remportaient les élections à chaque fois, contresigner des testaments qui leur donnaient les moyens d'arroser tous les électeurs, pas Patrick, bien sûr dont la probité ne salissait pas sa chemise blanche, repassée et amidonnée par sa femme avec amour et zèle.

Deux mois avant la proclamation des résultats, il se passa dans le village un phénomène étrange : tous les animaux à quatre pattes disparurent sans que ne soit retrouvé le moindre poil, témoin ou preuve de leur passage.

Justine pensait qu'ils s'étaient parlés - elle avait lu en entier les histoires de Delphine et Marinette - et qu'ils étaient allés vivre ailleurs, là où les hommes ne leur demanderaient rien, ni même de rester coucher au coin du feu, en route vers la liberté !

Tant mieux se disait ainsi Justine, je n'aurai plus à m'occuper des poules de Monsieur Cancan, ni du chat de la mercière, ni du chien du boucher, ni du raton-laveur de la lingère…

Je me consacrerai désormais à mes comptes-rendus, épouserai le maire, et nous aurons deux beaux enfants, etc.

Patrick ne passait donc que très peu de temps à la maison, entre ses activités politiques, le travail et le club de ping-pong auquel il consacrait également plusieurs jours par semaine, il était vraiment très busy.

Il ignorait donc tout des hobbies de sa femme, et imaginait qu'elle passait son temps libre à lustrer les couverts, à nettoyer un par un les livres pour en conserver toute la brillance, partageant son temps entre la maison et la salle communale ou elle dispensait ses cours.

C'est effectivement ce que faisais Simone jusqu'au jour où, un maître d'école arrivé depuis peu dans le village, vint lui rendre visite et lui fît une cour un peu particulière.

En fait, il arriva en quelques rendez-vous à lui mettre en tête , un esprit de vengeance, lui faisant accepter l'idée que son mari la délaissait, qu'il ne l'aimait pas, lui laissant imaginer qu'il la trompait sans doute si ce n'est pas avec une autre femme, peut-être avec une vache ou une chèvre.

Ce maître d'école devait avoir quelque ressentiment envers les animaux et personne ne connaissait son histoire si bien que nous pouvons tout envisager, même les idées les plus scabreuses.

A eux-deux, du moins Simone eut l'impression d'être partie prenante dans cette création, ils furent à l'origine de la création du CAVCCA (Club Amical des Villageois en Colère Contre les Animaux) et récupèrent cinq autre membres, si bien qu'ils formèrent bientôt le club des sept.

Pendant deux semaines, il mirent au point un stratagème pour enlever un  par un mais en une seule nuit tous les animaux du village, sans oublier le chat de la mère Michel ni le canari du compère Loriot.

Le maître d'école voulait les noyer sous la bâche de la piscine de Simone.

Non ce disait Simone, le jour ou mes neveux viendront prendre un bain, je ne veux pas avoir une semaine de nettoyage avant de les voir plonger et jouer de bon cœur, se disait-elle.

 

Finalement ils tombèrent d'accord sur une solution : ils louèrent trois camionnettes et embarquèrent tous les animaux la nuit précédent la Sainte-Félicie .

Ils se débarrassèrent des animaux quand la première camionnette tomba en panne d'essence, à dix kilomètres environ du village.

Poursuivis par des aboiements furieux, ils rentrèrent, plutôt penauds, chacun chez soi, pour se coucher car une journée bien remplie les attendait. Leurs esprits allaient être bien occupés à fournir des explications à leurs conjoints sur leurs absences, ainsi qu'à tenter d'oublier leur méfait.

 

Au village, le lendemain, l'émotion était à son comble. Tous les villageois, à l'exception du médecin et du vétérinaire qui n'avaient pas d'animal, se rendirent d'un commun accord à la gendarmerie, aux cris de : « rendez-nous nos animaux ». Les hommes pleuraient, les femmes et les enfants jouaient à compter les larmes dont furent bientôt remplies les caniveaux, ce qui pour effet de nettoyer les souillures laissés par les braves chiens, chats et autres oiseaux.

Les gendarmes tentèrent de calmer le population.

Une battue fut organisée qui dura deux jours et deux nuits. Un appel régional fut lancé parmi les quatre villages voisins et dans tous les canards du voisinage.

Nombreux furent les villageois qui tentèrent d'entamer un dialogue avec les vaches en pâture, en vain.

Le club de sept se fondit dans la masse, et chacun fit mine de chercher toutes les traces du passage de ces animaux décidément bien plus intelligents qu'on ne pouvait se l'imaginer.

La mercière se donna des claques car elle se pensait coupable d'avoir, il est vrai, oublié par deux fois dans l'année, de remplir la gamelle de ses chats.

Au bout de sept jours, il fallu se rendre à l'évidence : les animaux étaient parti chercher ailleurs un bonheur qu'ils ne pouvaient plus attendre de leurs maîtres.

 

Cette histoire avait fait oublier à chacun l'échéance électorale, et c'est mollement que chacun des deux candidats, le maire sortant et le notaire, rentrèrent à nouveau en campagne, une campagne entachée par la disparition des êtres vivants les plus aimés, tous deux bouleversés par un sentiment d'abandon de leurs oilles.

Le notaire mit au point une stratégie peu ordinaire,  : il distribua à chacun, ou plutôt il fit distribuer par Justine des bonbons pour chats à tous les enfants du village, en leur disant simplement : « vos parents qui chaque année font confiance à Monsieur Le Maire donnaient à leurs chats ses bonbons ».

Chaque enfant un peu dégoûtés par l'âpreté des dites-sucreries, rentra chez lui le cœur plein de reproches, et chacun à sa manière, raconta l'épisode à ses parents. Comme le notaire s'y attendait, le plus souvent, on put entendre dans les foyers : le Maire, en qui vous avez confiance, n'aime pas les animaux, surtout pas les chats.

 

Une semaine plus tard, arriva le dimanche des élections. Chacun ayant revêtu son plus bel habit, se rendit, à pied, à l'école du village, où était installé l'unique bureau de vote.

Le nouveau maître d'école, salua cordialement les hommes et embrassa leurs femmes, accordant à leurs enfants, endimanchés eux-aussi un sourire très hypocrite sui voulait dire :

 «  tu ne perds rien pour attendre ! ».

Ce maître était vraiment très remonté, et contre les animaux domestiques, et contre les enfants à qui il avait toutes les peines du monde à enseigner la moindre ligne d'écriture.

Il ne réfléchissais pourtant pas au projet de les faire disparaître de la même façon que leurs animaux, car il savaient impossible de convaincre quiconque de commettre une telle absurdité, mais pensaient de temps en temps avec amertume au temps où il vivait tranquille, reclus, éloigné de tout cri d'animal ou d'enfant jouant aux billes.

Le résultat fût proclamé à vingt-heures, deux heures exactement après la fermeture du bureau.

Et bien, le Maire sortant et le notaire n'étaient pas départagés, 250 voix pour l'un et 250 voix pour l'autre.

Personne ne savait que faire dans ce cas là. Il fallu attendre le mardi que l'autorité régionale organise un déplacement et que le médiateur de la république prononce enfin le résultat final :

- « En raison de son âge, le notaire est élu Maire du village de Gagnac !»

Justine épousa le notaire en grandes pompes ( elle chaussait du 43), les enfants reçurent chacun un très gros paquet de bonbons, en oublièrent définitivement leurs petits protégés, perdant ainsi toute gratitude pour ceux qui les avaient pourtant tant aimés, sans crainte et sans visage.



10/10/2008
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