Poèmes et écrits

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LA PATINOIRE

 

Sur la piste verglacée, des enfants de tous âges déambulaient avec plus ou moins de réussite.

Une petite fille en particulier, tombait toutes les deux minutes, en criant très fort et se relevant aussitôt triomphalement : «  Même pas mal ! », disait-elle à sa mère, assise sur le côté et visiblement frigorifiée tant elle frissonnait dans son manteau de velours pas assez chaud pour résister aux moins cinq degrés qu'affichaient le thermomètre à l'intérieur de la patinoire.

Cette heure de loisirs faisait évidemment très plaisir à sa fille, elle ne pouvait l'en priver mais elle craignait maintenant de la récupérer couverte de bleus, et là elle n'arrivait pas à se rappeler si la pommade à l'arnica était dans l'armoire à pharmacie – elle essayait par ailleurs de ne pas trop penser à ce petit placard de salle de bains, car elle y rangeait ses somnifères et se voyait contrainte d'en utiliser depuis la disparition mystérieuse de son mari – ou si cette pommade se trouvait sur la table chez sa mère, oubliée là après que son enfant, Rosalie, se soit heurtée violemment sur la télévision tout juste déballée de son carton.

La musique jouait un air de musique brésilienne, langoureux et rythmé à la fois.

Rosalie tombait maintenant moins souvent et ne voulait pas quitter les lieux.

C'est pour cela sans doute que sa mère, sortit se réchauffer un instant dehors, et en profita pour passer un coup de fil, à l'aide son téléphone portable, qui dura, il est vrai, plus longtemps que prévu.

 

Cependant la petite fille passant près de l'endroit où elle avait vu sa mère au tout précédent, ne put croiser son regard et commença à s'inquiéter. Dix tours plus tard, ne voyant toujours pas sa mère parmi le public rassemblé pour voir virevolter sa progéniture, elle décida de sortir de la piste, et d'enfiler ses tennis, afin de partir à sa recherche.

Elle passa par les toilettes et à la sortie, croisa un homme grand et blond qui lui dit :

-         Ta mère a du quitter la patinoire précipitamment et m'a chargé de t'emmener la rejoindre, viens avec moi, nous partons tout de suite.

 

La petite fille, étonnée, voulant vérifier l'authenticité des propos de cet inconnu lui répondit :

-         pas si vite, de quelle couleur est l'écharpe de ma maman ?

 

L'homme, sûr de lui répondit :

-         elle n'en a pas, tu fais bien de te méfier, mais aujourd'hui tu peux me faire confiance. Allez, ta mère nous attend, filons d'ici.

 

Il prit l'enfant par la main et sortit par derrière ou une voiture l'attendait qui démarra aussitôt.

 

 

La mère, ayant fini sa conversation, rentra dans l'enceinte de la patinoire et chercha immédiatement sa fille des yeux.

Ne la voyant pas, le doute commença à s'insinuer en elle, en même temps que la culpabilité de l'avoir laissé seule quelques minutes.

Elle visita les toilettes, appela doucement puis de plus en plus fort sa fille :

-         Rosalie !

Le directeur de la patinoire, alerté par ses cris, descendit de son étage bien chauffé et demanda un appel général :

« La petite Rosalie est attendue par sa maman à l'entrée de la patinoire », la musique s'était interrompu pour diffuser ce message mais très vite, il fallu se rendre à l'évidence : Rosalie avait disparu !

Les policiers alertés, commencèrent une enquête et la télévision diffusa toute la soirée son message d'alerte enlèvement.

La mère avait rejoint le père et tous deux attendaient en se reprochant, l'un ses absences répétées, l'autre sa négligence.

Tous les jours ils se rendaient au commissariat central et tous les jours des éléments nouveaux s'ajoutaient au dossier qui s'épaississait, et qui pèserait bientôt plus lourd que la pauvre Rosalie.

 

Pendant ce temps, l'homme avait conduit Rosalie dans sa retraite, une petite maison au fond des bois, dans une lointaine banlieue.

La petite fille vivait l'instant comme une expérience nouvelle et ne paraissait pas si effrayée, d'autant que l'homme était prévenant et lui avait donné un sachet de bonbons que l'enfant dégustait en regardant autour d'elle d'un air malicieux.

L'homme se mit à faire le ménage et la cuisine, des pâtes à la tomate, et la petite maison se remplit bien vite d'une odeur chatouillant les narines de l'enfant éprouvée mais affamée.

Rosalie se mit à table sans rechigner.

Puis comme elle en avait l'habitude, elle s'endormit sur le canapé.

L'homme la regarda dormir puis, sommeilla un peu lui même sur un pouf.

Et pendant son sommeil, il fît un rêve :

La montagne était si haute qu'il ne pouvait en apercevoir le sommet. Pourtant il savait qu'il lui fallait la gravir coûte que coûte.

Ses pieds lui faisaient mal et il sentait les ampoules se former.

Quand il se réveilla, Rosalie était partie, elle avait enjambé la fenêtre, comme en témoignait le rideau qui battait dans le vent.

 

L'homme pris sa tête dans ses mains et il pleura, restant prostrée jusqu'à l'arrivée des gendarmes qui avaient déjà rejoint l'enfant.



19/10/2008
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